Pêche collective dans le Mandé : Un grand rituel halieutique

Publié le 14 juillet
Source : l'Essor

Cet événement mobilise toutes les tranches d’âge. Il est perçu comme un facteur de renforcement de la paix et de la cohésion sociale entre les communautés.

Au Mandé, dans une zone située à cheval entre le Mali et la Guinée, la pêche collective est un rendez-vous immanquable. Elle mobilise toutes les tranches d’âge avec des outils de pêche modernes et rudimentaires.

Certains pêcheurs sont munis de paniers (soussou) en manding, de harpons (massaka). D’autres se contentent simplement d’utiliser de vieux sacs de céréale vides, des baignoires voire des bidons. Tous y viennent dans l’espoir de réaliser une bonne pêche. Au Mandé, tous les villages riverains du fleuve Niger  (ou presque) disposent d’un ou de plusieurs mares destinées à la pêche collective.

À l’occasion, le village hôte invite les voisins à prendre part à ce rituel. Les invitations sont envoyées une semaine avant le grand jour déterminé en fonction des mares et des considérations locales. La pêche collective qui est profondément ancrée dans les pratiques est un vecteur de paix et de cohésion sociale entre les communautés.

À grande mobilisation-Nous sommes un lundi du mois d’avril. La Commune de Nouga (dans le Cercle de Kangaba), à environ 4 km du territoire guinéen, lance sa saison de pêche collective. Tôt le matin, les pêcheurs préparent les filets et autres pièges à jeter dans les eaux de la mare, située à près de 3km du village. Ils arrivent en grand nombre à pied, dans des charrettes à traction animale, mais aussi sur des motos et des vélos. Les sentiers menant à la mare grouillent de monde. C’est la grande mobilisation autour de cette activité de pêche.

Tous sont prêts et attendent le coup d’envoi de ce rituel halieutique, parce que tant que les autorités coutumières ne donnent pas le top départ, personne n’a le droit de pêcher dans la mare.

En attendant, les pêcheurs amassés  autour de la mare, affutent leurs outils. Quelques instants après, le clap de départ est donné. On entend des cris de joie : «an ka ta», on y va en français.

Sur ces entrefaites, on aperçoit une personne se dirigeant avec son filet au milieu de l’eau, c’est le libérateur du jour. Il plonge son filet dans l’eau, et tout d’un coup la mare est envahie par de nombreux pécheurs. Chacun y va de sa «science» de la pêche pour avoir une bonne collecte. Dans un brouhaha général, on se bouscule et s’invective parfois.

Certains lancent des «i bô n’a jô kônô», prosaïquement retire toi de mon périmètre d’action. À ce stade, la panique s’empare de la faune aquatique qui s’y trouve, car au-delà du poisson, il y a d’autres espèces qui y vivent.

Gros silure- Quand un gros poisson est pris dans les mailles d’un filet, dans un piège, on s’extasie. Mme Hawa Magassouba, la trentenaire, trébuche dans l’eau et aperçoit un gros silure dans les mailles de son filet de pêche. Elle en appelle à l’aide pour ne pas perdre ce gros vertébré aquatique.

Avec l’aide d’autres pêcheurs, elle arrive facilement à extirper le poisson des mailles de son filet. Elle se réjouit de sa moisson et explique avoir l’intention de préparer un repas copieux pour son époux avec ce gros silure. Daouda Keïta est aussi heureux de sa collecte du jour. «Cette moisson va permettre au moins d’améliorer un petit temps l’ordinaire», explique-t-il à qui l’entendre avec une pointe de bonne humeur. Par contre, Adama Keïta avait toutes les raisons d’être triste avec une collecte désastreuse.

Il prend les choses avec philosophie et explique que ce n’est pas forcement à toutes occasions qu’on réalise une bonne pêche. D’autres pêchent avec des harpons. Ceux-ci collectent généralement les plus gros poissons tandis que d’autres se retrouvent avec des fretins. Après quelques heures de pêche, la fatigue se fera sentir chez beaucoup de  pêcheurs. Ils retournent heureux pour la plupart avec des collectes intéressantes. La pêche collective au Mandé est un événement périodique qui se tient en général au mois d’avril et peut s’étendre jusqu’au mois de juin.

N’Famoro KEITA

Source : l’Essor