Transport en bus universitaires : Le parcours du combattant pour les étudiants

Publié le 31 octobre
Source : l'Essor

Les 12 bus opérationnels sont insuffisants pour assurer le transport dans de bonnes conditions entre la colline de Badalabougou et la Cité universitaire de Kabala. Le mauvais état de la route de Kabala n’arrange pas la situation.

Le service a le mérite d’exister et d’assurer le déplacement des étudiants à moindre coût.

Ce mardi 11 octobre, il est environ 6 heures, notre équipe de reportage en route pour la Cité universitaire sur la colline de Badalabougou, en Commune V, constate une file indienne devant la Faculté d’histoire et géographie (FHG).

Certains étudiants font le choix de venir avant l’aube pour ne pas rater le premier bus programmé pour 6h30. à l’heure indiquée, ceux-ci commencent à embarquer en montrant chacun la carte de transport au contrôleur. Les bus universitaires sont gérés par le Centre national des œuvres universitaires (Cenou). Les premiers ont été offerts en 2001 par l’ancien président, feu général Amadou Toumani Touré. Au total, 12 bus sont opérationnels à Bamako et font la navette les jours de cours entre la colline de Badalabougou et la Cité universitaire de Kabala.

A.T, étudiant à la Faculté des lettres et sciences du langage (FLSL) de Kabala, habite à Yirimadio en Commune VI. Il s’est réveillé à 4h30 pour pouvoir embarquer dans le premier bus. Pourtant, il n’aura pas la chance de trouver l’une des 70 places assises. Le car, rempli en moins de 5 mn, se met en route pour Kabala et l’étudiant comme bien d’autres camarades est contraint de rester debout jusqu’à destination. Ceux qui n’ont pas pu monter attendent le départ du deuxième bus à 7h.

Le trajet se fait sur fond de musique comme pour adoucir les mœurs. La fatigue est perceptible sur chaque visage. Le véhicule date de 2006, selon un passager. Il n’offre plus les commodités. Les espaces entre les sièges sont réduits, laissant peu de places aux mouvements des jambes. Les sièges sont poussiéreux et en mauvais état. «En période de canicule, on y étouffe dedans», déplore A.T.

Le bus est plein à ras bord, mais freine après quelques minutes à l’arrêt devant le lycée public de Kalabancoro pour laisser embarquer d’autres étudiants qui attendaient sur place. Les nouveaux passagers doivent jouer des coudes pour se faire une place. Certains étudiants désemparés semblent avoir perdu la notion du temps et demandent l’heure parce que les cours commencent à 8h.

ÉPUISER AVANT LES COURS- Kabala, c’est la porte d’à côté. Mais le mauvais état de la route fait que le trajet devient un vrai parcours du combattant pour les étudiants. Ceux-ci vivent quotidiennement ce calvaire de secousses et accusent très souvent un retard sur le démarrage des cours. Aliou Bah, chirurgien-orthopédiste et traumatologue à l’hôpital Mère-enfant ou Luxembourg, explique que rouler sur une route en mauvais état peut agir sur le corps à plusieurs niveaux. «Les  secousses peuvent entrainer de microtraumatismes qui, s’ils se répètent, vont  causer un désordre au niveau du dos depuis le bas de la tête jusqu’au niveau des fesses.

Cela peut aussi entrainer des problèmes de dos», détaille le spécialiste.  Après un arrêt au Centre Nour sis à Kabala afin de déposer des passagers, A.T est heureux de pouvoir s’asseoir. «Je suis épuisé avant même que les cours ne commencent», peste le jeune homme. Le premier bus arrive à sa destination avant le démarrage des cours. Un grand soulagement pour les étudiants. «Pendant les cours, les professeurs tolèrent les retards. Ils renvoient les retardataires lorsqu’il s’agit d’examen».

Après avoir débarqué les étudiants, le bus repart dans l’autre sens en direction de Niamakoro, près de la Cité Unicef, où des cours sont dispensés aussi. B.D, étudiant en socio-anthropologie, est un retardataire chronique du fait que le bus n’arrive jamais à l’heure. Il est obligé de recourir au transport en commun lors des examens pour ne pas rater les épreuves. C’est une situation pas tenable pour sa petite bourse.

Sur le chemin du retour, le chauffeur avait les nerfs à fleur de peau. à cause du mauvais comportement notamment des chauffeurs de transport en commun qui refusaient de lui céder le moindre passage. Pris dans un bouchon infernal, le bus arrive avec un léger retard. Le chauffeur explique être contraint de surcharger parfois avec 130 passagers, y compris ceux qui sont débout. Dr Aliou Bah trouve cette situation extrêmement grave. Le médecin évoque des risques de microtraumatismes dans les secousses et de graves blessures en cas d’accident.

INSUFFISANCE DE BUS- Mamadou T. Kamaté, chef du service transport au Cenou, explique que généralement les passagers restent debout dans les bus universitaires. Il reconnaît que son service n’a pas assez de bus. Mais pointe du doigt la  responsabilité des étudiants dans la surcharge.

Quelque temps après, le même bus arrive à Badalabougou pour chercher d’autres étudiants. Un autre bus est rappelé de Sébénikoro pour convoyer aussi une cohorte d’étudiants à partir de Badalabougou. Il est 9h et la première rotation est terminée. Des étudiants attendent un autre bus. Aucun hangar pour les protéger du soleil. Et c’est encore pire pendant l’hivernage. Mamadou T. Kamaté annonce qu’il y a des projets dans le pipeline de son service pour lesquels il faut se battre pour trouver les financements sur budget d’état. I.D, membre de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) proteste contre le système de rotation des bus qu’il juge peu efficace.

Selon lui, le départ du premier bus est à 6h30, mais déjà à cette heure, il y a une longue file. Il pense que le rythme de sortie des bus doit être accentué pour éviter les désagréments et permettre aux étudiants d’arriver à temps et dans les meilleures dispositions pour les cours.

Certains pensent que la carte de transport pose problème. Pourtant, il faut en disposer pour monter dans les bus. Or, les étudiants payaient le ticket à 50 Fcfa à l’aller comme au retour. C’est à la suite de vérifications, qu’il a été demandé au Cenou de moderniser le transport, indique le chef du service transport.

C’est la raison de l’instauration de la carte de transport en prenant l’exemple sur d’autres pays de la sous-région. Il faut débourser 7.200 Fcfa  pour l’acquérir sur toute l’année. «Le prix n’a pas été fixé par le Cenou. En  concertation avec différents partenaires et l’AEEM, il a été fixé à 20 Fcfa par jour en aller-retour», affirme l’agent du Cenou.

S.S, étudiant à l’école normale d’enseignement technique et professionnel (ENETP) de Kabala s’interroge sur le cas des étudiants qui n’ont pas encore touché les bourses. Ce membre de l’AEEM espère simplement la suppression de cette carte. Au regard de cette situation, le chef du service transport du Cenou souhaite que l’état augmente le nombre de bus parce qu’il y a plus de 200.000 étudiants. Il n’oublie pas non plus de faire un plaidoyer pro domo pour plus de ressources pour son service.

Source : l’Essor