Mme Bouaré Fily Sissoko en quête de vérité : « Je n’ai pas un sou à constituer comme caution »

Publié le 12 janvier
Source : Le Challenger

Inculpée et placée en détention provisoire depuis le 26 août 2021, dans les affaires dites « Avion présidentiel » et « Protocole MDAC/GUO STAR pour la fourniture de matériels et d’équipements militaires », Mme Bouaré Fily Sissoko continue sa quête de vérité. « Je n’ai pas un sou à constituer comme caution et je ne laisserai personne le faire pour moi, pour la simple et bonne raison que je n’ai rien à me reprocher ».

Après une lettre ouverte adressée au Président de la Transition, l’ancienne ministre de l’économie et des finances Mme Bouaré Fily Sissoko a pris sa plume pour adresser une mémoire au Président et des membres de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP). Dans ce document de trois pages en date du 05 janvier 2023, la première femme à assumer les fonctions du ministre de l’économie et des finances remercie le Président et les membres de l’AMPP pour leur plaidoyer en faveur du « respect de nos droits en tant ministre de la République au moment des faits depuis mon interpellation le 26 août 2021 en compagnie de feu Soumeylou Boubèye Maïga, ancien Premier ministre, paix à son âme ».

Le présent mémoire a pour objet de porter à votre connaissance que par ordonnance en date du 21 octobre 2022 dont copie jointe, la chambre d’instruction a décidé ma mise en liberté, sous réserve du paiement d’une caution ou la constitution de sureté de même valeur, justifie Mme Bouaré Fily Sissoko. Elle poursuit : « J’ai eu notification de la dite ordonnance, le 25 octobre 2022. Ma défense, en la personne du Bâtonnier Me Alhassane Sangaré a relevé appel de cette ordonnance par acte du 26 octobre 2022. Aucune suite ne nous a été notifiée à ce jour. Au regard de la tournure que le dossier est entrain de prendre, j’ai décidé de solliciter le concours de votre association ».

A l’appui, elle cite quelques extraits de l’ordonnance de mise en liberté sous caution dont voici quelques uns : «  l’instruction du dossier de l’affaire est suffisamment avancée, que la détention de l’inculpée n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité » ; « Pour garantir la représentation de l’inculpée et couvrir les éventuels frais de procédure ainsi que les condamnations pécuniaires, il convient de subordonner sa mise en liberté au dépôt d’une garantie ou la constitution d’une sureté ». Le montant de cette caution est 500 millions de FCFA dont 200 millions pour garantie de représentation.  « A mon humble avis, demander à un fonctionnaire malien quel que soit son parcours, de constituer cette somme faramineuse, dans une procédure d’instruction conduite suivant le principe de la ‘’présomption d’innocence’’ et par une chambre qui en principe a vocation à ‘’instruire à charge et à décharge’’, équivaut tout simplement à le traiter de criminel financier de classe exceptionnelle, sans en apporter les preuves », écrit l’ancienne ministre. Et d’ajouter : « En tout état de cause, si la chambre est en mesure de fixer une telle caution, elle devrait logiquement avoir une idée du montant du préjudice que j’aurais causé à l’Etat du Mali, selon elle. Dès lors, je suis en droit de m’interroger sur les raisons qui, à ce stade, s’opposent à l’organisation d’un procès public, juste et équitable ».

Je mets quiconque au défi de prouver le contraire

Mme Bouaré bétonne son argumentaire en mettant en avant sa bonne foi. « Mes déclarations de biens régulièrement déposé et enregistrées à la Cour suprême de 2000 à 2015 attestent éloquemment de mon rapport à l’argent et au bien public d’une façon générale, au regard des fonctions prestigieuses que j’ai eu la chance d’occuper dans ce pays, par la grâce de Dieu, le tout miséricordieux », souligne-t-elle. L’ancienne ministre des domaines de l’Etat sous le Président Alpha Oumar Konaré lance des défis : « A cet égard, je tiens à souligner que la seule maison que je possède est celle que j’habite et dont la construction remonte à 1997, comme l’atteste ma première déclaration de biens en 2000. Maison dont le titre est sous hypothèque auprès d’une Banque de la place en garantie du prêt que j’ai contracté en 2015 pour la réalisation d’un projet de ferme. Je mets quiconque au défi de prouver le contraire. Dans tous les cas, entre cadres de la haute administration malienne, nous nous connaissons. C’est tout cela qui justifie ma quête constante de vérité dans cette procédure, de 2014 à nos jours comme en attestent mes lettres aux différents Ministres de la Justice de 2015 à 2020 et au Président de la République de l’époque ».

Elle trouve son  traitement outrageant et dégradant et oppose un niet catégorique au paiement d’un demi-milliard de FCFA comme caution. « Vous comprendrez que je n’ai pas un sou à constituer comme caution et je ne laisserai personne le faire pour moi, pour la simple et bonne raison que je n’ai rien à me reprocher », note-t-elle dans sa mémoire. Et de s’interroger : « Monsieur le Président, pensez-vous que le statut de Magistrat relevant de la plus haute juridiction de la République autorise le Président et les membres de la Chambre d’instruction à m’infliger un tel traitement ? ». Mme Bouaré enfonce : « Pour tout vous dire, j’ai tout simplement l’impression que l’on me fait purger une peine par anticipation qui, à ce jour équivaut à une journée de prison pour chaque journée passée à la tête du Ministère de l’économie et des finances et ca continue. C’est tout simplement hallucinant ».

« En tout état de cause, je garderai toujours, une foi inébranlable en l’indépendance et en l’impartialité de l’institution judiciaire de mon pays, aussi longtemps qu’elle comportera en son sein des Magistrats de votre trempe », conclut l’ancienne ministre de l’économie et des finances qui continue sa quête constante de vérité dans un Mali Kura où la collusion entre les pouvoirs peut broyer des hauts cadres dans des opérations de tape à l’œil de lutte contre la corruption et la délinquance financière.

Chiaka Doumbia

Source: Le Challenger