Samedi 20 Avril 2024

Kangaba : L’envers de l’orpaillage

Cette pratique qui contribue au développement socioéconomique des populations et villages abritant les placers est devenue une source d’insécurité. Elle est également à l’origine d’un désastre environnemental.

Le Cercle de Kangaba, dans la Région de Koulikoro, est l’un des districts aurifères du Mali. L’orpaillage est pratiqué dans toutes les neuf communes qui composent ce cercle, situé en plein cœur du Mandé et à la frontière avec la préfecture de Siguiri en République de Guinée. La zone est, depuis des années, l’eldorado des orpailleurs traditionnels venant du Mali et de certains pays voisins, notamment la Guinée, le Burkina Faso, le Nigeria et le Sénégal.

Pour tous les sites d’orpaillage, le constat est le même : des milliers d’excavations jonchant des terres jadis uniformes et arables. Au fil des ans, les moyens d’exploitation utilisés par les orpailleurs se sont modernisés avec l’arrivée des appareils détecteurs d’or et des concasseurs. Mais toujours est-il que l’écosystème des sols du Mandé continue d’être agressé. La flore et la faune s’appauvrissent, jour après jour. Ni les «chercheurs d’or» ni les résidents ne songent à reboiser les espaces exploités de façon abusive. En plus, des tonnes de sachets plastiques non biodégradables sont déversées sur les différents sites.

Bien plus que ces impacts environnementaux, c’est l’apport économique de l’orpaillage qui intéresse les populations. Nombre de villages ont changé de visage grâce aux infrastructures réalisées avec des ressources générées par cette activité. En effet, en plusieurs endroits, les cases rondes coiffées de pailles deviennent des souvenirs, faisant place à des maisons dont les toitures sont en tôle. Des panneaux solaires sont utilisés pour alimenter des téléviseurs de dernière génération, des congélateurs...

Enseignant et natif de la Commune de Nouga, Daouda Keita explique que l’orpaillage a été une aubaine pour le Cercle de Kangaba. Selon l’enseignant, cette activité qui prospère sur les ruines de la faune et de la flore a permis la réalisation d’infrastructures scolaires et sanitaires. Cependant, déplore-il, elle a déchiré le tissu social, baissé le taux de scolarisation et aggravé la déscolarisation. Sans compter la propagation de la toxicomanie chez les jeunes.

MILICE ARMÉE- Dr Sékou Keita, enseignant chercheur et consultant, est le président de la Coordination des jeunes du Mandé (CJM) et 3ème vice-président de l’Association des ressortissants du Cercle de Kangaba (ARCK). Cette organisation, explique-t-il, est engagée corps et âme pour faire tomber la tension sur les sites d’orpaillage traditionnel.

Cette pratique, rappelle l’enseignant, n’est pas nouvelle dans le Mandé, mais les «évolutions qu’on constate aujourd’hui ne sont pas du tout favorables à la quiétude, à la tranquillité et à la sécurité» des orpailleurs et des populations des villages abritant les orpailleurs. À l’en croire, les « Tomboloma » (groupement de jeunes et de personnes actives) qui veillaient à la quiétude et la sécurité sur les sites miniers artisanaux sont en train de s’armer. L’ARCK dénonce, depuis plusieurs années, cette tendance.

Dr Sékou Keita témoigne que l’orpaillage est devenu, ces derniers temps, une véritable source de violence à cause de ces groupements. Munis d’armes, argumente-t-il, ces groupes se transforment en milices et sèment la terreur. Selon notre interlocuteur, les affrontements meurtriers qui ont eu lieu dans la Commune rurale de Nouga sont les conséquences de la possession des armes par ces associations. Pour éviter ce genre de désastre, propose Dr Sékou Keita, l’État doit s’impliquer davantage en assurant la sécurité des personnes et de leurs biens.

Le président de la CJM nous apprend que ces «Tomboloma» tranchent les différends et autres affaires, sans se référer aux autorités compétentes. Pour lui, le nombre insuffisant d’agents de sécurité dans la localité favorise ces mauvaises pratiques.

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Le problème des faux permis

Dans le Cercle de Kangaba, de nombreuses sociétés étrangères exploitent l’or avec des moyens modernes mais nuisibles à l’environnement. Au regard des conséquences qui en découlent, l’ARCK, à travers la jeunesse, mène le combat pour la sauvegarde de l’environnement. Et ce, dans l’intérêt supérieur du cercle et du pays.

Ainsi, à la faveur de ses missions de sensibilisation et de constat dans le cercle, l’ARCK a élaboré un rapport sur la situation minière. Selon ce document, plus de 85% du territoire de Kangaba est sous permis d’exploitation ou de recherche. Et certains permis ont été obtenus dans l’irrespect de la procédure normale. Le rapport explique que des consultants ont falsifié les cachets et signatures des autorités administratives et coutumières pour délivrer des faux documents d’exploitation.

«Dans cette affaire, certaines parties villageoises ont vu leurs comptes alimentés en liquidité grâce aux parts mensuelles versées par les étrangers», indique le document. L’ARCK a également constaté que ces versements sont aussi accompagnés des promesses de construction d’infrastructures (écoles, centres de santé, maisons des jeunes, forages) souvent non tenues. Pour l’Association, cette situation pousse les populations à ignorer les impacts négatifs du phénomène.

En outre, toujours selon le rapport, ces exploitations minières (artisanales ou modernes) attirent des inconnus dans le cercle et encouragent la prolifération des bars et des maisons closes dans le Mandé. Le banditisme, la dégradation de l’écosystème par l’utilisation des produits très toxiques polluant rivières et lacs, la réduction drastique de la production céréalière sont d’autres conséquences mentionnées dans le document.

Face à cette situation, a relevé l’organisation, «les mouvements de protestations sont visibles dans plusieurs communes du cercle, comme à Naréna, Nouga, Benkadi, Balan Bakama pour stopper les activités des miniers étrangers». L’ARCK appelle les autorités à mener des investigations par rapport aux distributions frauduleuses des permis de recherche et d’exploitation.

Car, ces permis délivrés sur la base de faux documents amènent souvent des tentions entre les parties. Aussi, préconise-t-elle, «avant de délivrer les permis, l’État doit vérifier si les parcelles sont livrables aux partenaires, parce que ce sont souvent des zones vitales, de cultures, des rivières et autres qui font vivre les villageois et leurs animaux».

N’Famoro KEITA

Oumar SANKARE

Source : l’Essor

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