Trajet Bamako-Kayes : Un calvaire pour les passagers

Publié le 20 septembre
Source : l'Essor

Certains cars effectuent ce trajet en 17 heures à cause de l’état de dégradation avancée de la voie et des travaux de rénovation en cours. Des groupes armés y commettent souvent des actes terroristes.

 

Les militaires sont toujours présents pour rassurer les voyageurs en escortant les véhicules au besoin

 Ce vendredi 15 septembre, le rendez-vous de 7 heures est respecté à l’auto-gare de Sogoniko. Le billeteur s’assure, une dernière fois, que tous les passagers sont présents, avant de donner le signal de départ. Assise au milieu de la foule et des bagages, une femme s’exclame : «Je sais que nous allons arriver jusqu’à 23 heures, car l’état de la route est mauvais.

La semaine dernière, ma belle fille a mis plus de 15 heures sur ce trajet pour se rendre à Kayes».

Ses propos provoquent l’inquiétude chez des passagers qui faisaient leur premier voyage sur la Cité des rails. Certains commencent à prononcer des formules incantatoires ou réciter des sourates du Coran en priant Dieu pour qu’ils arrivent à destination sains et sauf.

Sur la soixantaine de places disponibles dans le car, seulement une vingtaine est occupée au départ à 8 heures. De la gare routière de Sogoniko (Commune VI du District de Bamako) au Quartier du fleuve, le bus met beaucoup de temps à cause des embouteillages.

Au niveau de l’École normale supérieure de Bamako, l’apprenti-chauffeur met en marche un petit téléviseur pour divertir les passagers. Il fait passer le clip «My Darling (ma copine en français)» du chanteur nigérian Ayodeji Ibrahim Balogun dit Wizkid. Au niveau du quartier de Samé, le nombre des passagers avait déjà atteint la quarantaine, majoritairement des femmes.

À 9h10 mn, nous arrivons au poste de contrôle de Kati. Les vendeurs ambulants se bousculent aux portes du bus afin d’écouler leurs marchandises. «Acheter de la nourriture, ainsi que de l’eau, le chemin est très long», s’écrient-ils, pour inciter les voyageurs à faire des achats. Après quelques minutes d’arrêt, tous les sièges du bus sont occupés. Le véhicule redémarre en trompe.

À cent mètres du poste, un homme d’une trentaine années, entre dans le bus. Il se nomme Nouhoum Diarra et vend des médicaments traditionnels et des pates dentifrices. Pour attirer l’attention des voyageurs sur ses produits, N. D. taquine les passagers en lâchant : «Je vend des médicaments traditionnels. Je suis marié à deux épouses et père de 15 enfants. Donc, vous êtes oubligés de m’écouter, sinon…» Et grâce à sa publicité et sa capacité à tenir l’auditoire en haleine, il a pu avoir quelques clients.

Nous gagnons Kolokani vers 11 heures. C’est le début du calvaire pour les passagers. Nids de poule et baignoires d’éléphants parsèment la voie. Le chauffeur peine à les éviter. Habillé d’un complet de couleur bleue foncée, lunettes sur le nez et écouteurs aux oreilles, le conducteur toujours souriant, conduit son engin à un rythme raisonnable, en fonction de l’état dégradation de la route. Il y a des tronçons, où il n’y a même plus de goudron. Parfois, l’engin roule tout en étant penché sur un côté pour éviter des nids de poule. À certains endroits, le chauffeur emprunte les déviations à cause des travaux de rénovation sont en cours.

AXE DU MAL- À midi et demi, nous sommes à Didiéni. Le bus fait une halte. Les passagers en profitent pour descendre et satisfaire leurs besoins naturels ou pour chercher quelque chose (cacahuète, gâteau, viande grillée) à manger. Deux hommes âgés mettent la pause à profit pour passer un savon au chauffeur et son apprenti. Ils les accusent d’avoir projeté des vidéos dont le contenu est contraire à nos us et coutumes.

«Dans le bus, il y a des personnes de tout âge. Donc, montrer de telles images n’est pas un signe de politesse. Non seulement, cette musique porte atteinte à la religion musulmane mais aussi, elle n’est pas bonne pour l’éducation des enfants», se plaignent-ils. Le chauffeur fait la sourde oreille, les autres passagers ne pipent mot.

Quand nous reprenons la route, la psychose de l’insécurité gagne les esprits. On peut lire l’inquiétude sur le visage de certains occupants du bus. Entre Didiéni et Diéma, les véhicules ont été stoppés aux environs de 15 heures sur instruction des Forces armées maliennes (FAMa), sous une fine pluie, pour des raisons de sécurité. La présence de l’armée a visiblement suffi pour rassurer les passagers. Certains ont commencé à consulter leurs comptes sur les réseaux sociaux.

Soudain, des coups de feu retentissent. Une ressortissante de Mopti tente de rassurer ses compagnons de voyage. «Dans la Région de Mopti, nous sommes habitués à ces genres de tirs. Mais les FAMa devraient nous laisser passer, nous ne sommes pas des militaires», explique-t-elle. Les véhicules resteront sur place jusqu’à l’arrivée d’un drone qui procèdera à un balayage de la zone. Visiblement impressionnés par le professionnalisme de nos Forces de défense et de sécurité qui ont su maîtriser la situation en un laps de temps, les passagers sont aussitôt sortis de leur mutisme en scandant : «Vive le président de la Transition, vive nos FAMa.»

C’est dans cette ambiance de sérénité et de quiétude que nous arrivons à Diéma, grand carrefour entre Bamako et des localités comme Kayes, Nioro (frontière mauritanienne). Il est déjà 18 heures. Nous faisons une pause de 20 à 40 minutes. À 19 heures, nous quittons Diéma. Il reste environ 350 km à parcourir avant d’arriver à Kayes. L’état de la route ne s’améliore pas.

En plus de cela, la vidéo marchait toujours, avec des clips indécents. Le vieux et son compagnon reviennent à la charge, en critiquant de nouveau le chauffeur et ses apprentis.

Le voyage éprouvant prend fin dans la Cité des rails à une heure du matin.

Moussa Mamoutou DEMBÉLÉ

Amap-Kayes

Rédaction

Source : l’Essor