Le ministre Diop au Forum de Bruxelles : «Les défis les plus importants sont liés à la gouvernance mondiale qui est en faillite totale»

Publié le 04 juillet
Source : l'Essor

Le Forum de Crans Montana sur l’Afrique sous le thème «Dresser l’état d’un monde en danger, relever les défis les plus urgents» s’est tenu du 29 juin au 2 juillet 2022 dans la capitale belge.

Notre pays y était représenté par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Dans son intervention, Abdoulaye Diop a évoqué la situation du Mali et du continent tout entier, qui souffrent actuellement des politiques d’ingérence et de domination de l’Occident Excellences Messieurs les anciens présidents, anciens Premiers ministres, Cher ami Jean Paul Carteron, Distingués invités.

Mesdames et messieurs. C’est toujours difficile de parler en dernier lieu. Je pense que tout a été dit. Je vais être bref. Je suis là pour représenter le colonel Assimi Goïta qui est le président de la Transition malienne. Je vous transmets ses amitiés.

En lisant la thématique de cette réunion et en essayant d’être focalisé, je peux dire que les défis les plus importants auxquels nous faisons face dans le monde, ce sont les défis liés au leadership et à la gouvernance mondiale qui sont en faillite totale. C’est pourquoi, nous n’arrivons à régler presqu’aucun de nos problèmes en ce moment. Parce que nous n’avons ni les pays ni les dirigeants ni les organisations qui ont la capacité ni même la légitimité de régler les problèmes qui se posent à nous.

Si je prends le cas spécifique du Mali qui est aujourd’hui dans cette difficulté particulière. Je crois que le problème du Mali est lié à une erreur géostratégique monumentale qui a été l’intervention occidentale en Libye qui a été mal pensée, mal exécutée et l’objectif n’a pas été défini. Je pense qu’on parle récemment de l’Ukraine. Mais avant l’Ukraine, il y a eu des erreurs stratégiques monumentales qui ont fait qu’on a renversé un régime qui a projeté des rebelles et des groupes terroristes au Nord du Mali.

Ce qui a fait que le Mali a perdu les deux tiers de son territoire. Aujourd’hui, l’insécurité touche l’ensemble de la région. Et ce ne sont pas les seules erreurs, il y en a eu beaucoup. L’Irak a été attaqué sur la base de prétextes fallacieux, nous le savons aujourd’hui.  Ce qui s’est passé en Syrie. Donc, nous avons une répétition de crises qui se passent. Parce que nous avons une gouvernance mondiale qui a été dominée par des approches unilatérales qui nous ont amenés dans des problèmes que personne n’assume.

Aujourd’hui, si on veut repartir à la base, de mon point de vue, c’est de sortir de ce schéma d’agressions, des réponses militaires militaristes. Parce que, toutes nos solutions, même par rapport à la gouvernance mondiale, c’est de favoriser des réponses militaires.

Or, nous savons qu’aujourd’hui en Afrique notre premier défi, c’est notre jeunesse.  Si nous arrivons à créer des emplois, industrialiser le continent, à faire avancer l’intégration régionale, nous créerons plus de richesses que l’aide au développement peut nous apporter. Je crois que c’est ça, la véritable prévention des conflits. Si nous occupons nos jeunes, nous ne ferons pas face à ces groupes terroristes aujourd’hui, parce qu’ils n’auront pas de souche pour recruter les uns et les autres. Je crois qu’il faut sortir de cette approche.

Il faut que nous nous revoyions tout notre logiciel par rapport à la façon dont nous traitons entre nous, le président Yaya Boni en a parlé. C’est la faillite de la diplomatie mondiale, parce qu’on ne dialogue plus, on ne se parle plus. On se rend compte que l’Occident même est devenu une minorité dans le monde.

Il y a eu quand même des puissances démographiques et économiques importantes qui sont apparues qui ne sont pas dans la gouvernance mondiale. Comment nous pouvons faire en sorte de pouvoir avoir une gouvernance mondiale qui soit inclusive qui nous permet d’apporter une réponse, si on veut traiter avec l’Afrique dans cette gouvernance mondiale, il y a quelques éléments clés.

Il faut qu’on sorte des politiques d’ingérence et des politiques de domination, qu’on laisse les Africains travailler ensemble, trouver des solutions. Parce que, chaque fois que les autres sont venus mettre le pied dedans, le terrorisme qu’on a, c’est un peu ça. On a notre responsabilité, mais ce sont des choses qu’on nous a amenées. Pour moi, l’ingérence, on doit sortir. On doit pouvoir respecter les Africains. Que les Africains ne soient pas des sujets, mais des acteurs pour pouvoir façonner des solutions ensemble. Ce sont des difficultés auxquelles mon pays, le Mali fait face.

Monsieur Sawaris en a parlé. Il y a beaucoup de potentialités, mais tant que nous ne changeons pas notre logiciel de travailler avec le continent. Tant qu’on pense qu’on peut venir avec des pressons, des interventions militaires, changer la donne du continent, je pense qu’on passe complètement à côté. Laissons les Africains travailler. Nous avons aussi notre responsabilité.

Nous avons failli par rapport à l’intégration du continent. Soixante (60) ans après les indépendances, je peux dire que le bilan est décevant. On ne parle même plus d’intégration régionale, on parle de coopération régionale. Je crois que cela n’est pas la faute des autres, c’est la faute des Africains. Les autres ont leur responsabilité, mais les Africains aussi, nous avons failli, nous devons le reconnaitre.

Source : l’Essor