Mali : La crise sécuritaire dans les médias : Les dangers du traitement biaisé de l’information

Publié le 28 décembre
Source : l'Essor

Le matraquage sur de prétendues exactions contre certaines ethnies, fait croire qu’il existe une politique de persécution contre les minoritaires dans notre pays. L’objectif inavoué est de mettre à mal l’unité nationale et le vivre ensemble

 Ces médias interdits dans notre pays, travaillent à distance avec des sources moins fiables

À un moment donné de la crise sécuritaire au Mali, nombre de nos compatriotes souffraient du complexe de la persécution médiatique parce que les médias étrangers, notamment français pesaient de tout leur poids dans le traitement de l’actualité malienne. Conscientes du danger que ce traitement médiatique biaisé représente pour la cohésion nationale, les autorités de la Transition ont pris la décision d’interdire la diffusion de RFI et France 24 sur notre territoire.

Mais bien qu’interdits au Mali, ces médias continuent de surfer sur les inquiétudes du moment pour tenter de monter en épingle la question identitaire. Ils font un matraquage médiatique de la question peule et tentent de faire croire à une sorte de persécution de cette communauté. Bien aidés en cela par des relais, notamment des ultras qui n’hésitent pas à associer l’image de cette communauté au terrorisme.

En tout cas, RFI et France 24 essaient toujours de rembobiner l’horreur du massacre dans le village peulh d’Ogossagou. Ils font feu de tout bois pour accréditer l’idée d’une prétendue persécution contre la communauté peulh et d’autres ethnies minoritaires dans les Régions du Centre et du Nord. Tout cela pour mettre à mal le vivre ensemble et l’unité nationale. Ainsi, ces médias, qui prennent sans doute le problème par le mauvais bout, font croire qu’ils soulèvent le couvercle sur d’éventuelles violations des droits humains.

La station radio (RFI) et la chaîne de télévision (France 24) ont une certaine propension à accuser les Forces armées maliennes (FAMa) de persécution des communautés chaque fois que des personnes ayant fui la violence dans leurs localités d’origine se retrouvent sur des sites de déplacés.

Une couverture médiatique complètement à rebours de la réalité dans notre pays. Forcément, les allégations colportées par nos confrères français ne manquent pas d’étonner les observateurs avertis. Tous s’accordent à dire que les médias africains en général ont une couverture normale des évènements liés à la crise sécuritaire au Mali.

UN POINT DE VUE UNILATÉRAL- Mais les médias français, du fait des récents évènements survenus entre nos deux pays, ont une couverture orientée de l’actualité malienne, notamment de la crise sécuritaire. En tout cas, journalistes et autres observateurs avertis sont unanimes sur le constat. «Chaque fois que RFI parle de l’Armée malienne, il y a une addition immédiate de : «avec le supplétif de Wagner». C’est systématique au point qu’on a très souvent l’impression que la station de radio reçoit des éléments de langage.

Les informations que l’opinion nationale obtient sur la Coordination des mouvements rebelles ou terroristes viennent très souvent des médias étrangers, notamment français comme RFI, France 24, le Monde et Libération, entre autres. Souleymane Drabo, ancien directeur général de l’Amap, trouve que ces médias étrangers ont la tâche un peu facile puisque les autorités maliennes se refusent à leur parler. Le journaliste, fort de ses années d’expérience, pense simplement que cette situation arrange plutôt ces médias qui en tirent profit. «C’est pourquoi, ils ont un point de vue unilatéral parce que l’autre partie ne veut pas parler», explique-t-il.

Si les médias français comme RFI et France 24 sont interdits de diffusion sur le territoire national, les journalistes de la presse écrite ne sont pas inquiétés. Souleymane Drabo fait remarquer que les journalistes de la presse écrite n’ont pas été contrariés à l’exception d’un journaliste de Jeune Afrique qui a été expulsé à l’aéroport à son arrivée. Il ne s’attarde pas trop sur les raisons, mais explique simplement que les journalistes français de Libération, du Monde et d’autres journaux qui venaient couvrir le Mali ont surtout peur d’y revenir.

Certains d’entre eux sont de bonne volonté, mais ont malheureusement moins de sources pour travailler. Ils sont obligés de couvrir de loin. Ils ont peu de sources d’informations, donc sont contraints de se passer les numéros de téléphone des certaines sources. Et il suffit que celles-ci soient de mauvaise foi pour les induire en erreur. Cette rareté des sources complique les choses pour eux. Mais il y a clairement une couverture orientée chez les médias français.

Souleymane Drabo explique que ce matraquage a deux raisons.

«La première raison, c’est le stéréotype dont l’Afrique pâtit. Tout le monde pense qu’on vit ici dans des tribus, des clans, des groupes ethniques. Il y a donc un prisme ethnique qui prévaut chaque fois que les intellectuels européens analysent la situation africaine. La deuxième chose pour la question des peulh, c’est la paresse intellectuelle des gens. En décrétant qu’il y a des conflits ethniques, des conflits intercommunautaires, vous simplifiez la réalité, vous vous facilitez un peu la tâche alors qu’il y a des problèmes plus graves et plus importants dans ces conflits. C’est pour ces deux raisons qu’à un moment donné, il y a eu des articles qui pouvaient faire croire qu’il y a une guerre déclenchée contre les peulh», explique l’ancien patron du Quotidien national.

CAMPAGNE MÉDIATIQUE RAMOLLIE- Mais analystes et observateurs de l’actualité malienne savent que l’impact du matraquage des prétendues questions de persécution ou de violations graves des droits humains peut être sérieux dans un contexte de crise parce que les nouvelles infondées, les fausses informations et intoxications sont amplifiées sur les réseaux sociaux par des relais et un peu par la psychose qui règne dans le pays. Or ces nouvelles infondées peuvent déclencher des évènements graves. Mais il est utile de préciser à ce niveau que le phénomène concerne moins les médias étrangers, mais plutôt nos médias et les activistes qui opèrent sur les réseaux sociaux.

Mais la campagne médiatique contre le Mali s’est plus ou moins ramollie depuis la guerre en Ukraine et surtout depuis que les bombes israéliennes pleuvent sur Gaza, après une attaque meurtrière contre Israël par le Hamas (un mouvement nationaliste palestinien) le 7 octobre dernier. Israël punit et broie coupables et innocents sous sa puissance de feu. Un véritable pogrom qui fait que la  «la meute» est aujourd’hui aux trousses de l’actualité sur Gaza.

Souleymane Drabo partage ce constat. «Depuis qu’il y a eu la guerre de l’Ukraine, celle de Gaza et les inondations en France, l’actualité qui intéresse les lecteurs nous a réduit à la portion congrue. La preuve, sur la libération de Kidal, le quotidien français « Libération », qui s’intéresse au Mali, a consacré 5 à 10 lignes seulement alors que d’habitude, il aurait fait un article plus consistant», fait remarquer notre interlocuteur.

On est tenté de pousser un ouf de soulagement et de dire tant mieux pour notre pays, si cela nous permet de sortir des griffes des médias étrangers dont le traitement de l’information n’aide pas au retour de la paix. En insistant sur la question identitaire, ils tentent d’inoculer le venin de la division dans notre tissu social. Ils attisent la tension en portant régulièrement des accusations infondées sur des tueries contre des minorités ethniques.

Le Mali est un pays multi ethnique où la cohabitation se fait traditionnellement dans la fraternité. Aussi, un Etat démocratique se doit de défendre les droits de l’Homme et faire en sorte que la force publique reste neutre par rapport aux différentes communautés.

Brehima DOUMBIA

Source: l'Essor